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Sans pieds ni tête

Dimanche 11 février, nous avons célébré la messe anniversaire des 50 ans de la fondation du foyer de charité de Remera Ruhondo. À cette occasion, les membres ont rappelé une vieille histoire. Lorsque le père Classens est venu pour la première fois sur la colline de Remera, en entendant son projet, un homme lui dit qu’il comprenait enfin les paroles insensées de son grand-père mourant. Il parlait comme un prophète fou et annonçait trois prémonitions :

« Un jour viendront sur cette colline des sans-pied ni tête, des vierges enfanteront et il y aura une louange perpétuelle. »

Cet homme ne connaissait pas le christianisme, ni même les collons belges. Il croyait en un Dieu unique, Imana, comme tous les barwandais de l’époque. Mais pour eux, Dieu n’avait que faire des hommes.

Pour les fondateurs du foyer, c’était clair : les sans-pied ni tête sont les blancs qui arrivent coiffés et chaussés, les vierges qui enfantent ce sont les laïques consacrées des foyers et leur fécondité pastorale et la louange fait référence à la prière du foyer. C’était une confirmation d’un appel. Le foyer devait se construire sur cette colline.

Avec 50 ans de recul, nous nous sommes permis de proposer une nouvelle lecture de cette prophétie. Il y a bien des sans-pied ni tête qui viennent sur cette colline, mais ce ne sont peut-être pas les hommes chaussés et coiffés.

Lorsque nous sommes venus avec les étudiants suisses en 2016, nous avons compris que nous étions des sans-pied ni tête, mais pour d’autres raisons. Les pieds c’est ce qui permet à un homme de tenir debout, c’est ce qui lui donne un enracinement sur la terre. Sans ses racines, il perd la tête, il perd le sens de ses entreprises, de sa vie. Sur la quinzaine de jeunes venus dans ce voyage, seuls 4 vivaient dans une famille encore unie. La plupart vivaient sans un parent ou dans une famille recomposée. Nos jeunes manquaient de confiance en eux, d’estime de soi. Nous comprenions que certaines assises dans la construction de soi nous manquaient. Nous étions sans pied et c’est pourquoi chez nous, nous perdons la tête.

Le foyer nous a offert une formation humaine intégrale remettant la personne debout. L’accompagnement redonne le sens de l’objectif et permet à chacun de renouer avec le sens personnel de sa vie. La personne retrouve sa tête, son esprit. Elle entre dans un chemin de croissance personnelle et spirituelle.

Sans doute les blancs de l’époque étaient considérés comme les sans-pied ni tête, mais pas pour les bonnes raisons. L’histoire semble revisiter certains présupposés.

Nous ne pouvons pas non plus ignorer toutes ces personnes accompagnées sur cette colline depuis le génocide de 1994. Comment ne pas penser que ces cohortes de traumatisés que le foyer s’efforce de remettre debout par la formation humaine, l’accompagnement et les retraites, ne représentent pas eux aussi ces sans-pied ni tête ?

De notre côté, nous faisons nous-même cette expérience durant cette année ici. Le foyer de charité de Ruhondo nous remet debout et ouvre notre esprit à une liberté authentique. Si nous pensions avoir la tête sur les épaules, maintenant nous sommes convaincus du contraire. La relecture d’expérience dans la formation humaine, replace la connaissance au plus proche de la terre, du réel. Elle permet à notre intelligence de retrouver le sens de la vérité. Avoir les pieds sur terre, c’est reconnaître que la vérité n’est pas arbitraire, elle s’impose. Par ailleurs cette vérité libère notre être et toutes ses potentialités. Avoir la tête sur les épaules prend alors tout son sens. Il s’agit de savoir qui je suis et ce pour quoi je suis fait.

Nous souhaitons au foyer de Ruhondo de redécouvrir sa vocation profonde durant cette année jubilaire et d’en vivre avec toujours plus de profondeur et de joie.

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